Ni mensonges ni stratagèmes. C'est la promesse que je t'ai faite alors que je te portais encore. Même ce Noël, lorsque tu m'as demandé : "Dis maman ? Toi, tu crois au père Noël ?" Je t'ai répondu sans hésiter que je croyais à la magie de Noël, à l'esprit de Noël et que peu m'importait le nom qu'on lui donnait ou la forme qu'il prenait. Il a quelque chose de magique cet esprit. J'ai bien vu que tu étais restée un peu perplexe, que tu avais senti que quelque chose t'échappait. Mais j'espère que le jour ou tu sauras que le gros monsieur dans son manteau rouge et blanc n'a jamais mis les pieds dans notre cheminée, tu comprendras qu'il existe d'une autre manière. Que le père-Noël c'est moi, c'est papa, marraine, mamie... Qu'il est en chacun nous. Qu'une fois que tu connais le secret, il est en toi aussi. Mais que te dire aujourd'hui ? Je ne l'ai pas vu venir. Je ne m'attendais pas à devoir aborder ce sujet avec toi.
Bien sûr, ce n'est pas la première fois que tes questions me font hésiter. Il est déjà arrivé qu'elles me clouent le bec ou que j'ai envie de t'inventer un joli mensonge pour ne pas voir tes yeux se mouiller ou la colère te monter. Tu sais, il y a des choses difficiles à expliquer à quelqu'un qui n'a encore que deux vrais dents... et même si deux autres bougent ! Aujourd'hui je réalise que le moment où la vie va te montrer ses cotés un peu moins pailletés, un peu plus durs, moins lisses ne va pas tarder. Tu es rentrée de l'école, un peu déçue de ne pas avoir été la reine. Tu m'as fais les yeux doux pour qu'on cherche une nouvelle galette. Sans tricher, tu as cette fois eu la fève. Tu as lavé tes petites mains, rangé tes affaires et même ordonné ta chambre. Tu as allumé la télé pour ton dessin animé du mercredi après-midi. Tu as été surprise quand je t'ai demandé de ne pas changer la chaîne. Tu as cherché à comprendre. Écouté et regardé l'écran. Tu as commencé à t'inquiéter quand tu m'as vu m’asseoir et me concentrer. "C'est pour de vrai maman ? C'est pas un film ?" ... "Maman ??? Maman ? Ils sont morts les gens ?" J'ai réfléchi mais ma raison m'avait lâchée. J'ai hésité. Cette promesse avait-elle un sens ? Et si je te dis la vérité, comment te l'expliquer ? Comment t’expliquer quelque chose dont le sens m’échappe. J'ai regardé ces deux billes bleus qui me fixaient et j'ai laissé la parole à mon cœur. J'ai cherché à t'expliquer que le monde des adultes était compliqué mais qu'il ne fallait pas t'inquiéter. Je t'ai parlé de la souffrance qui existait dans ce monde pour te permettre d’apercevoir les richesses de notre pays. Je t'ai rappelé ce que je te dis souvent. Agir avec amour et bienveillance dans le respect et la tolérance des idées de l'autre, est une base solide pour être heureux. La compréhension des choses et des gens saura t'apporter bien plus que le jugement. Je t'ai parlé de la France et de notre liberté d'expression. Du droit de dire ce que tu penses puis surtout de la difficulté qu'il peut y avoir à entendre ce que les autres pensent... Et comme mes explications plus ou moins rationnelles ne suffisaient pas à te rassurer je t'ai livré, comme un secret, ma foi en l'Humanité. Je t'ai demandé de garder les yeux ouverts sur le monde. De ne pas perdre tes rêves et ton imagination débordante. De ne pas oublier que les différences sont à aborder avec curiosité car elles nous enrichissent. Et même si parfois il arrivera que tu aies peur de ce que tu découvres ce n'est pas grave. Ne transforme pas tes peurs en chaînes qui emprisonneraient ton cœur.Ne laisse pas l'ignorance encombrer ton esprit. Sers toi de ta tête. Pose toi des questions, même les mauvaises. Lis. Ouvre ton esprit. Vois au delà, encore plus loin que ça. Imagine des mondes que tu ne connais pas avec des gens qui ne te ressemblent pas. Souviens toi que rien n'est jamais tout noir ou tout blanc. Alors oui ma Chachou. Aujourd'hui des gens libres ont été tués pour avoir eu des idées. Et non ça ne devrait pas arriver. Mais les extrêmes, peu importe lesquels, ne servent qu'à engluer les tensions existantes. Ils ne sont pas capables de changer la vie de qui que ce soit. Par contre, j'aime penser que nous, nous sommes capables de faire évoluer les mentalités. Qu'il suffit pour cela que, tel le colibris de la légende amérindienne, chacun fasse sa part.
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