« Mon seul regret, c'est elle... me dit-il sans me laisser le temps de lui demander de qui il parlait. Déjà petit, elle était là, gravitant autour de moi, mais à ce moment je n'y prêtais pas encore attention. Arrivé à l'adolescence, elle a commencé à m'attirer. Je ne saurais pas te dire pourquoi, aujourd'hui je ne m'en souviens plus. Mais elle avait quelque chose. Certainement l'interdit. C'est toujours l'interdit qui attire. Je ne savais pas comment l'approcher, puis surtout je n'osais pas. J'avais peur de ce qu'elle pourrait me faire. Je ne saurais plus te dire non plus quel est l'abruti qui me l'a présenté. Mais ce n'est pas vraiment important. Par lui ou un autre, je sais bien que j'aurais fini par la voir de plus près... que j'aurais fini par pouvoir la toucher. Il faut être honnête, elle m'a de suite fait tourner la tête. Oh je ne planais pas, non. Ce n'était pas franchement extra d'ailleurs. Mais elle continuait à m'attirer, comme si j'étais certain qu'elle était capable de mieux. Comme si j'entendais déjà la promesse qu'elle allait me faire. Alors j'ai continué à la chercher, à la tester, espérant finir par l'apprivoiser, attendant de comprendre ce qu'elle avait de si attractif. Rapidement, la tête a cessé de tourner, rapidement elle est devenue ma meilleure amie. Je ne pouvais plus la quitter. Il serait de mauvaise foi de dire qu'elle n'a pas tenue sa promesse. Elle est là, toujours. Et elle a tout accepté de moi. Elle m'a accompagné de mes soirées les plus pourries jusqu'à celles de mes plus grandes folies. Elle n'a jamais bronché. Il y a des soirs où je laissais tous mes copains en profiter, les copines qui avaient envie aussi et parfois, encore aujourd'hui, je l'abandonne même au mains d'un autre sans ne jamais avoir à m'en soucier. Elle est là pour me permettre de me concentrer, de tenir éveillé devant une thèse, ou au volant de la bagnole. Elle me tient compagnie pendant mes nuits blanches sans jamais faillir et calme toutes mes colères. Je pensais pouvoir tout exiger d'elle et avoir tous les pouvoirs sur elle. Mais c'est elle qui a fini par l'emporter. Je me suis entendu pester parce que je ne la trouvais pas. Je me suis vu quitter mes amis pour la rejoindre, dehors, seul, même par un temps détestable, juste pour cinq minutes avec elle. Me lever un dimanche matin très tôt ou faire des kilomètres pour pouvoir la retrouver. Paniquer lamentablement avant une soirée de peur de devoir m'y passer d'elle et préférer alors arriver en retard pour aller la chercher. J'ai gâché des moments idylliques, à la terrasse de cafés, le soleil sur ma peau après un hiver trop long, parce que mes esprits ne pouvaient se défaire d'elle... Pourtant elle ne m'attirait déjà plus. Je n'avais plus besoin d'elle mais elle refusait de me laisser. Dit comme ça on peut me trouver ingrat mais il faut savoir que je ne lui dois rien. J'ai payé chaque instant qu'elle a passé avec moi. Elle prenait quinze centimes les cinq minutes au début. Je me ruine encore aujourd'hui, 30 centimes les cinq minutes pour sa compagnie, alors que je n'en veux plus. Mais l'argent ne lui suffit pas... elle me prend ma santé aussi. Mon souffle, mon sommeil... et malgré ça je n'arrive toujours pas à me passer d'elle. Elle est maligne, elle contrôle nos esprits pour que nous finissions toujours par renoncer. On trouve toujours une excuse pour ne pas nous en séparer. » A cet instant, il s'arrête. Me regarde taquin avec un large sourire. Puis me dit, en tirant la dernière latte de sa cigarette : « Un seul regret dans une vie... Je crois qu'à choisir, celui-ci me va bien.» Enfin, haussant les épaules, il écrase sa cigarette.
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