Je n'ai pas le truc des visages ou plutôt, je ne suis pas physionomiste, devrais-je apprendre à dire (dans le sens qui se souvient des visages, pas dans le sens habile à juger ou employée de casino hein !). La vérité c'est que, hors contexte, je ne reconnaîtrais pas ma mère ! Le truc, c'est que les gens ne perçoivent pas l'étendue du concept qui m’atteint. Quand je dis ça, je n'exagère en rien, vraiment, il m'est arrivé de rencontrer ma mère et de me dire "c'est drôle, ce visage me dit quelque chose". Ou encore croiser le père de ma fille et ne pas le saluer... sissi. Il n'avait rien à faire là, ce n'était pas attendu. Alors je ne l'ai même pas remarqué. C'est pour ça aussi que je ne communique que très peu avec les gens que l'on croise pourtant quotidiennement.
Comme ce papa devant l'école qui ne comprend pas pourquoi le jour où je le croise au supermarché, je ne lui souris pas. Ou ce type, qui est à la fois mon voisin de rue, papa à l'école, et employé d'un bureau avec lequel je travaille, et qui est resté à s'étonner des mois que je ne le situe pas... (c'est ce qu'il dit aujourd'hui, mais je parie qu'il m'a pensée folle! honte sur moi!). Ou encore les commerçants, à la boulangerie, à la boucherie, au bureau de presse... D'ailleurs, c'est en allant acheter mes clopes la dernière fois que j'ai réellement compris ce qui cloche. En fait, je n'imprime pas le physique des gens. Leurs traits, la couleur de leurs yeux, de leurs cheveux, la forme de leur visage... Je n'imprime pas. J'adore ma buraliste. Elle est pétillante, toujours souriante et de bonne humeur. La vraie bonhomie. Naturelle, sincère et toujours avec cette petite attention, dans les mots ou parfois juste dans le regard, comme pour vous dire, "ça va aller". Il suffit d'entrer dans son commerce, de la voir derrière son comptoir, pour aussitôt voir sortir notre stress nous attendre sur le trottoir. Puis l'autre jour, je suis entrée, l'ai aperçue derrière le comptoir, j'ai souri et j'ai vu un timide retour que j'ai senti forcé. J'ai attendu mon tour en l'observant sous tous les angles. Qui était-ce ? J'étais incapable de dire s'il s'agissait d'elle ou d'une autre personne... Ma buraliste est brune, je crois... elle l'était. Mais au-delà de ça ? La longueur des cheveux ? la corpulence ? ... Je me suis vue complètement incapable de visualiser la femme à qui je dis pourtant bonjour au moins une fois par semaine depuis des mois... Je suis restée là, bouleversée et interloquée. Je m'en voulais. S'il s'agissait bien d'elle, elle devait avoir des tracas pour se trouver ainsi. Allait-elle bien ? J'avais envie de le lui demander mais... et si ce n'était pas elle. Dans ce cas-là, il n'y avait rien de particulier dans l'attitude de la femme qui se trouvait face à moi. J'ai espéré que, quand viendrait mon tour, elle sourirait. L'espoir de pouvoir la reconnaître. Ce n'est pas arrivé. Alors, je me suis obligée à retenir ses traits en sortant pour, la prochaine fois, la reconnaître. Ce jour-là, je n'ai pas compris ce qui m'arrivait. Je suis restée comme une idiote avec une certitude : je ne fais pas assez attention aux gens. Puis, il y a quelques jours, il m'est arrivé quelque chose d'assez surprenant : Je me suis retrouvée, sans le savoir, à travailler avec la sœur jumelle d'une actrice. (Actrice pas forcément connue par tous, mais que moi, j'ai beaucoup beaucoup beaucoup regardé...) Ce sont de vraies vraies jumelles. Et ben non. Moi je n'ai rien vu. Enfin, je n'ai remarqué aucune ressemblance physique. Vraiment. J'ai juste fini par me poser des questions à cause de la douce folie qui se dégageait d'elle et qui me semblait familière. Puis j'ai définitivement su à qui elle me faisait penser lorsqu'elle m'a souri. Je lui ai dit à la pause déjeuner et j'ai pensé qu'elle me charriait quand elle m'a répondu qu'elles étaient jumelles. Parce qu'elle ne le sait pas, mais bien que convaincue de la ressemblance dans ce qu'elle dégageait, j'ai mis du temps à remarquer qu'elles se ressemblaient aussi physiquement. (En vrai, je suis allée demander à google image de me sortir une photo de sa sœur pour faire une comparaison visuelle, en direct... et oui, quand même, c'était flagrant en fait.) J'ai immédiatement repensé à des amis de Lycée. Deux sœurs jumelles, dont une avec laquelle j'étais très proche. Seule avec elle, je me faisais souvent la réflexion qu'elles ne se ressemblaient pas physiquement et pourtant, étrangement, si elles étaient juste plantées l'une à côté de l'autre, je n'arrivais pas à faire la différence. Je n'ai jamais cherché à m'expliquer cette sensation, mais là, elle a fait écho. Je l'ai recontacté cette semaine. Nous avons longuement échangé (quel plaisir! <3). Et j'aime beaucoup sa lecture de mon incapacité à "reconnaître" : "Je ne dirais pas que tu ne fais pas attention aux gens. Je crois juste que tu n'en a jamais rien eu à foutre de savoir de quelle couleur sont nos yeux, laquelle de nous avait le plus gros nez, ou l'emplacement de nos grains de beauté. Pour nous c'était un plaisir. Tu vois les gens par ce qu'ils dégagent, par ce qui les anime. Je crois que c'est une belle forme d'attention." Bim. Touchée. Elle m'a tuée. Alors je ne sais pas si c'est vrai ou si ce sont juste les paroles d'une amie réconfortante, qui sentait bien que j'étais complètement retournée. Peu importe finalement. Je ne sais pas non plus si certains d'entre vous se reconnaîtront dans cette particularité qui me touche ou si je vais continuer à me sentir seule au monde. Peut-être qu'en fait, vraiment, "je n'ai -juste- pas le truc des visages".
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